mardi 19 février 2013

Et mes fesses? Tu les aimes mes fesses?

Tu vois mes pieds dans la glace ?
Oui
Tu les trouves jolis ?
Oui, très.
Et mes chevilles tu les aimes ?
Oui
Tu les aimes mes genoux aussi ?
Oui, j'aime beaucoup tes genoux.
Et mes cuisses ?
Aussi
Tu vois mon derrière dans la glace ?
Oui
Elles sont jolies mes fesses ?
Oui, très.
Et mes seins tu les aimes ?
Oui, énormément
Qu'est ce que tu préfères ? Mes seins ou la pointe de mes seins?
J'sais pas, c'est pareil

Et mes épaules tu les aimes?
Oui
Moi, je trouve qu'elles ne sont pas assez rondes
Et mon visage?
Aussi.

Tout? Ma bouche, mes yeux, mon nez, mes oreilles, tout?
Oui tout.
Donc tu m'aimes totalement ...?
Oui. Je t'aime totalement, tendrement, tragiquement...




Le Mépris - Jean-Luc Godart

lundi 18 février 2013

Ce monde que ma tendresse

J'essaie de rester en contact où que je sois

Je ne dis pas je t'aime
Je ne dis pas que j’ai réussi
Le soleil apparait dans la lucarne

Mon travail m’appelle
aussi doux que le bruit du ruisseau
près de la cabane dans le Tennessee

J’écoute à mon bureau
et je suis disposé à pardonner
à ceux qui ont voulu nous écraser
avec leurs merveilleux systèmes

Ta beauté est partout
que nous avons distillée ensemble
dans les temps difficiles
Tu ne me sentiras jamais vouloir te diriger

Je fuis à jamais ton hommage
Je ne pense pas à te mettre des fers
Je n’ai rien dans l’esprit pour toi

Je n’ai pas de prières où t’enfermer
Je vis pour toi
sans le souvenir de ce que tu mérites
où ne mérite pas


Léonard cohen

Ces rares nuits de tendresse

Quelle nuit! Et comme avec la distance notre discussion me semble douce, deux adultes allongés sur le plancher! Quelle nuit parfaite! Je jure que j'en sens encore la chaleur. En fait ce qu'il avait fait avec Edith, importait peu, je les épouse dans leur lit adultère, j'affirme de grand cœur le droit qu'ont les hommes et les femmes à ces rares nuits de tendresse, contre lesquelles les lois conspirent. Si seulement je pouvais vivre cela en perspective. Comme les souvenirs de F. filent rapidement, les nuits de camaraderie, les échelles que nous avons escaladées, et le bonheur que procure la vue de ce simple mécanisme humain. Comme les petitesse reviennent vite, et la plus ignoble des formes de propriété, la tyrannie qui s'exerce sur deux pouces carrés de chair humaine, le con d'une femme.

Léonard Cohen - Les perdants magnifiques

lundi 11 février 2013

Jusqu'à douter de nous

Etre nommé du même nom, alors que nous changeons d'apparence, jusqu'à douter de nous, fait que la parole qui nous appelle témoigne de notre identité pour un autre. Croire qu'on demeure le même dépend de la confiance ou de la foi, mise dans un autre. Croire qu'on est soi, c'est être pour un autre. La référence à la parole qui soutient l'identique à travers la multiplicité des figures ou leur différence, est le ressort qui autorise l'homme à devenir sujet du désir de l'Autre dans la transfiguration de lui-même, c'est à dire à travers la multiplicité de ses images...

Denis Vasse - Le poids du réel, la souffrance

Vulgarité

Je déteste la vulgarité.  Mais la vulgarité est liée pour moi à toute notion de supériorité collective. C'est quand on se croit mieux que les autres parce qu'on appartient à une classe, une nation, une race qu'on est irrémédiablement vulgaire.

Romain Gary - Entretien (Les cahiers de l'Herne)

Le couple (un autre sexe, une autre espèce)

J'ai voulu écrire ce livre à un moment où pays, peuples, hommes, femmes, nous sommes devenus à ce point infectés d'indépendance, que nous ne sommes pas même pas devenus indépendants, nous sommes devenus infects. Ce que je veux dire c'est que là où il y a un couple, les rapports se situent en dehors de toute question d'indépendance, de   l'homme ou de la femme. le couple est une notion essentielle, fondamentale, rudimentaire qui ne peut être divisée en "indépendance"? Le vrai couple est une unité en soi qui n'est pas un homme et une femme, qui est le couple. le couple c'est à dire encore une fois, un homme qui vit une femme, une femme qui vit un homme. Au-delà de toute notion "sexiste", "séparatiste", c'est une autre dimension, un autre sexe, une autre espèce. On ne peut plus chercher à savoir qui tourne autour de qui : chacun est terre, chacun est soleil. Au nom du droit de l'homme, au nom du droit de la femme, au nom de l'indépendance, de l'un, de l'autre, on oublie la véritable valeur de l'indépendance. Dans le couple, c'est une valeur d'échange, il y a deux "donneurs". La liberté, l'indépendance commencent à partir du moment ou l'homme et la femme se tournent vers l'extérieur, vers le milieu social, je ne vois pas bien ce que ça veut pouvoir dire sur le plan affectif, ou chacun est l'autre.

Romain Gary - Entretien (Cahiers de l'Herne)

et on dirait une de ces noces entre deux règnes de Deleuze

lundi 4 février 2013

quelque chose de gai et d'amoureux

Ou bien la morale n’a aucun sens, ou bien elle n’a rien d’autre à nous dire que de ne pas être indigne de ce qui nous arrive. Saisir ce qui arrive comme injuste et non mérité (c’est toujours la faute de quelqu’un), voilà ce qui rend nos plaies répugnantes. Ce qui est vraiment immoral, c’est toute l’utilisation des notions morales: juste, injuste, mérite, faute. 

Entre les cris de la douleur physique et les chants de la souffrance métaphysique, comment tracer son mince chemin stoïcien, qui consiste à être digne de ce qui arrive, à dégager quelque chose de gai et d’amoureux dans ce qui arrive, une lueur, une rencontre, un événement, une vitesse,
un devenir?

Gilles Deleuze, Claire Parnet Dialogues 

vendredi 1 février 2013

Le vrai de la chose

Ah, c’est pas sa chair qui m’est tout

Et suis pas qu’un grand cœur pour elle ;
Non, c’est d’aller faire les fous
Dans des histoires fraternelles


Oh ! vous m’entendez bien !

Oh ! vous savez comme on y vient ;
Oh ! vous savez parfaitement qu’il y a moyen,
Et comme on s’y attelle.


Lui défeuiller quel Tout je suis,

Et que ses yeux perdus m’en suivent !
Et puis un soir : « Tu m’as séduit
Pourtant » - et l’aimer toute vive.


Et s’aimer tour à tour

Au gras soleil des basses-cours
Et vers la lune et puis partout ! avec toujours
En nobles perspectives…


Oh, c’est pas seulement la chair,

Et c’est pas plus seulement l’âme
C’est l’esprit édénique et fier
D’être un peu l’homme avec la femme.


Jules Laforgue



(Travail sur les brouillons d'écrivain - mai 1985)

Ecrire - Geoff Dyer

L'écriture est tout entière dans la persévérance. Il faut s'accrocher. Quand j'avais la trentaine, j'avais l'habitude d'aller à la gym alors que je détestais ça. Je le faisais pour retarder le jour où je cesserais d'y aller. Je fais la même chose avec l'écriture. C'est une façon de retarder le jour où je n'écrirai plus, le jour où je sombrerai dans une dépression si profonde qu'il sera impossible de la distinguer d'une parfaite béatitude. 

 

Deleuze...


Contaminer

Contaminer, donner, transférer, déléguer, fournir, passer, transmettre, communiquer,  enseigner, propager, véhiculer, révéler, diffuser, inoculer, passer…

Ecrire - Rostand

« Écrire : la seule façon d’émouvoir autrui sans être gêné par un visage. »  

Jean Rostand

Les gens

« Quand les gens sont d’accord avec moi, j’ai toujours le sentiment que je dois me tromper. »  

Oscar Wilde

La sainte prostitution des foules

Il n'est pas donné à chacun de prendre un bain de multitude: jouir de la foule est un art; et celui-là seul peut faire, aux dépens du genre humain, une ribote de vitalité, à qui une fée a insufflé dans son berceau le goût du travestissement et du masque, la haine du domicile et la passion du voyage.

Multitude, solitude: deux termes égaux et convertibles pour le poëte actif et fécond. Qui ne sait pas peupler sa solitude, ne sait pas non plus être seul dans une foule affairée.

Le poëte jouit de cet incomparable privilège, qu'il peut à sa guise être lui-même et autrui. Comme ces âmes errantes qui cherchent un corps, il entre, quand il veut, dans le personnage de chacun. Pour lui seul, tout est vacant; et si de certaines places paraissent lui être fermées, c'est qu'à ses yeux elles ne valent pas la peine d'être visitées.

Le promeneur solitaire et pensif tire une singulière ivresse de cette universelle communion. Celui-là qui épouse facilement la foule connaît des jouissances fiévreuses, dont seront éternellement privés l'égoïste, fermé comme un coffre, et le paresseux, interné comme un mollusque. Il adopte comme siennes toutes les professions, toutes les joies et toutes les misères que la circonstance lui présente.

Ce que les hommes nomment amour est bien petit, bien restreint et bien faible, comparé à cette ineffable orgie, à cette sainte prostitution de l'âme qui se donne tout entière, poésie et charité, à l'imprévu qui se montre, à l'inconnu qui passe.

Il est bon d'apprendre quelquefois aux heureux de ce monde, ne fût-ce que pour humilier un instant leur sot orgueil, qu'il est des bonheurs supérieurs au leur, plus vastes et plus raffinés. Les fondateurs de colonies, les pasteurs de peuples, les prêtres missionnaires exilés au bout du monde, connaissent sans doute quelque chose de ces mystérieuses ivresses; et, au sein de la vaste famille que leur génie s'est faite, ils doivent rire quelquefois de ceux qui les plaignent pour leur fortune si agités et pour leur vie si chaste.
Charles Baudelaire, “Les Foules” (Le Spleen de Paris)

Ecrire - Perros

« Écrire, c’est renoncer au monde en implorant le monde de ne pas renoncer à nous. » 

Georges Perros

Bilingues dans une seule langue

Nous devons être bilingues même en une seule langue, nous devons avoir une langue mineure à l'intérieur de notre langue, nous devons faire de notre propre langue un usage mineur. Le multilinguisme n'est pas seulement la possession de plusieurs systèmes dont chacun serait homogène en lui-même; c'est d'abord la ligne de fuite ou de variation qui affecte chaque système en l'empêchant d'être homogène. Non pas parler comme un Irlandais, un Roumain, dans une autre langue que la sienne mais au contraire parler dans sa langue à soi comme un étranger. Proust dit : " Les beaux livres sont écrits dans une sorte de langue étrangère. Sous chaque mot chacun de nous met son sens ou du moins son image qui est souvent un contresens. Mais dans les beaux livres tous les contresens qu'on fait sont beaux." C'est la bonne manière de lire : tous les contresens sont bons, à condition toutefois qu'ils ne consistent pas interprétations mais qu'ils concernent l'usage du livre, qu'ils en multiplient l'usage. C'est la définition du style. Là aussi c'est une question de devenir. Les gens pensent toujours à un avenir majoritaire (quand je serai grand, quand j'aurai le pouvoir…). Alors que ce qui est intéressants ce sont les devenirs-minoritaire : non pas faire semblant, non pas faire ou imiter l'enfant, le fou, la femme, le bègue, ou l'étranger, mais devenir tout cela, pour inventer de nouvelles forces ou de nouvelles armes.

Gilles Deleuze - Claire Parnet  Dialogues

Faux soleil

La plupart des gens ne savent jamais que très vaguement où ils se situent que ce soit dans le temps ou dans l'ordre des choses. Les gens sont incapables de lire un contrat, un horaire ou d'identifier un pays sur une carte muette. L'alphabétisation est une merveilleuse imposture. Pourtant ces gens ont une vie émotionnelle aussi intense qu'une œuvre de Bach jouée par ma nièce.

Jim Harrison Faux soleil

Oh! father... # il n'est pas nécessaire...

Les années cinquante furent les plus exaltantes de toute ma vie.
J'ai lutté alors de tout mon temps, de toute mon énergie, dans deux combats aventureux que je jugeais parallèles, celui de l'espoir en la renaissance de l'Europe, celui de l'espoir ouvrier.

Mais c'était aussi le temps de la guerre froide, de la peur atomique, des lendemains désenchantés et chaque pas dans l'avenir se gagnait contre des certitudes mortes.

Je vivais durement la devise que l'on prête au « Taiseux »: «  il n'est pas nécessaire de croire pour entreprendre ni de réussir pour persévérer

My father 1962

Tout est réel

Et une fois que tout est dit et fait, tout est réel. Les mensonges sont réels. Ni factuels, ni authentiques, mais réels néanmoins. Comme les rêves. Les inventions, les cauchemars, les fantasmes, la douleur, la peur et le désir.

Amos Oz Connaître une femme

Trapèze volant

«Oui, Bach, Mozart, Dieu, elles commencent toujours par ça. Ça fait conversation honnête, alibi moral. Et quinze jours plus tard, trapèze volant sur le lit.»

[ Albert Cohen ] - Belle du Seigneur