Le
port continuait de rouiller. les entrepôts rouillaient. les tôles
rouillaient. les bateaux rouillaient. la mer rouillait. Même les
hommes, les quelques égarés qui continuaient de remuer la poussière
des quais, on ne savait plus déjà si le soleil, le sel, l'iode, ou
simplement le reflet de la rouille partout, on ne savait plus ce qui
avait cramoisi leur peau. Les toits rouillaient, les parpaings
rouillaient, les camions rouillaient, les rails à demi enterrés
dans le sol, à demi recouverts de terre sèche, les cuves a loin
recueillant autrefois le pétrole, tout rouillait. L'horizon
rouillait. les grues s'élevaient sur leur socle rouillé, les
cargots se tenaient sur leurs cales rouillées, et les cheminées des
usines se découpaient rouillées dans le ciel. J'ai fait le bilan
des derniers jours. Toutes ces années à regarder la télévision, à
marchander les programmes sur un soupir, tout ça est passé bien
vite en regard de ceux-ci, les derniers jours.
Tanguy Viel - Paris Brest