dimanche 26 juillet 2009

Autour de mon propre coeur

"... une femme, avec son sourire timide, sa démarche glissante, ses cheveux défaits, avec le masque archaïque de la servante aux pieds nus demande doucement et modestement qu'on la laisse entrer... (...) elle entre dans mon cœur, là, elle regarde autour d'elle avec un sourire aimable et curieux, elle touche à tout avec ses mains délicates, elle aère les coins renfermés, époussette ceci, jette cela pour y mettre ses propres affaires, elle s'y installe joliment, confortablement et irrésistiblement, jusqu'à ce que je me rende compte qu'elle m'en a complètement chassé, si bien que c'est avec angoisse, comme un étranger exilé que je rôde autour de mon propre cœur, qui ne m'apparait plus que comme une lointaine porte fermée, comme aux sans-logis, les foyers chaleureux des autres."

Imre Kertèsz, Kaddish pour l'enfant qui ne naîtra pas

mercredi 22 juillet 2009

Brève invitée

Ma lande mon enfant ma bruyère
Ma réelle mon flocon mon genêt,
Je te regarde demain t’emporte
Où je ne saurais aller.
                      
Ma bleue mon avril ma filante
Ma vie s’éloigne à reculons,
A toi les oiseaux et la lampe
A toi les torches et le vent

Mon cygne mon amande ma merveille
A toi l’impossible que j’aimais
A toi la vie, sel et soleil,
A toi, brève invitée.

Les mouettes

Je te donne trois mouettes
La pulpe d’un fruit
Le goût des jardins sur les choses
 
La verte étoile d’un étang
Le rire bleu de la barque
La froide racine du roseau
 
Je te donne trois mouettes
La pulpe d’un fruit
 
De l’aube entre les doigts
De l’ombre entre les tempes
 
Je te donne trois mouettes
Et le goût de l’oubli

Andrée Chédid

samedi 18 juillet 2009

Travailler, exister

Je travaille parce que si je ne travaillais pas, j'existerais, et si j'existais, je ne sais pas à quoi ça m'obligerait, alors il vaut mieux que je ne le sache pas, bien que mes cellules et mes entrailles s'en doutent, puisque c'est pour cela que je travaille sans relâche »

Imre Kertesz Kaddish pour l'enfant qui ne naîtra pas

Ecrire - Sollers

«Ecrire: une compétition directe avec le four matriciel... Aucune mère ne s'y trompe. pas plus celle de Sophocle qu'une autre. Toute oeuvre un peu importante est la trace de cette lutte acharnée... pour parvenir à l'air libre, naître, sortir enfin de la naissance physique; parler quand-même, par delà la parole injectée... Montrer comme ça qu'on n'est pas né pour faire nombre; qu'on ne meurt pas dans l'arithmétique dictée... Que ça se sache au moins le crime d'exister; que ça se marque et remarque... Pour un bout de temps, pour l'éternité... »