samedi 24 novembre 2007

Le poème épique de sa vie


Parmi les relations de Clarissa, Richard est le seul à ne pas accorder d’importance aux célébrités. Il n’attache sincèrement aucune importance à ces distinctions. C’est chez lui, pense Clarissa, la combinaison d’un ego monumental et d’une forme d’intellectualisme. Richard n’imagine pas de vie plus digne d’intérêt ou de sens que celle de ses amis ou de lui-même et pour cette raison vous vous sentez souvent grandi, exalté en sa présence. Il n’est pas l’un de ces égotismes qui rapetissent les autres. C’est un égotiste de l’espèce opposée, animé par un souci de grandeur plutôt que par l’avidité, et s’il s’obstine à vous voir plus drôle, plus étrange, plus excentrique et profond que vous ne croyez l’être, capable de faire plus de bien et de mal dans le monde que vous l’auriez imaginé, il est impossible de ne pas être convaincu, du moins en sa présence et pendant un moment après l’avoir quitté, que lui seul sait discerner l’essence de votre être, évaluer vos vraies qualités, (qui ne sont pas toutes nécessairement flatteuses, une maladresse, une rudesse enfantine, fait partie de son style) et qu’il vous apprécie avec plus d’intensité que personne d’autre n’a jamais su le faire. Ce n’est qu’en le connaissant depuis un certain temps que vous commencez à réaliser que vous êtes fondamentalement pour lui un personnage de fiction, un personnage qu’il a doté d’aptitudes presque illimitées pour la tragédie ou la comédie non pas parce que c’est là votre vraie nature, mais parce que lui, Richard, a besoin de vivre dans un monde peuplé d’individus exceptionnels. Certains ont mis fin à leur relation avec lui plutôt que de continuer à figurer dans le poème épique qu’il ne cesse de composer en pensées, l’histoire de sa vie et de ses passions ; mais d’autres (Clarissa par exemple) chérissent le sens de l’hyperbole qu’il introduit dans leur existence, finissent par en dépendre de même qu’ils ont besoin d’un café pour se réveiller le matin et d’un verre ou deux pour s’endormir le soir…

Virginia Woolf - Mrs Dalloway

samedi 17 novembre 2007

Cette fleur-ci est ma révolution

Cette pièce de Peter Verhelst, autour de Pier Paolo Pasolini, dans laquelle il disait que la sodomie était un acte révolutionnaire ou un geste politique, je ne sais plus....

jeudi 5 juillet 2007

Ecrire - Barthes

Ecrire n’étant ni une activité normative, ni un activité scientifique, je ne puis dire pourquoi, ni pour quoi, on écrit. Je puis seulement énumérer les raisons pour les quelles j’imagine écrire :


1 pour un besoin de plaisir qui, on le sait bien, n’est pas sans rapport avec l’enchantement érotique.

2. parce que l’écriture décentre la parole, l’individu, la personne, accomplit un travail dont l’origine est indiscernable

3. pour mettre en œuvre un don, satisfaire une activité distincte, opérer une différence

4. pour être reconnu, gratifié, aimé, constaté, contesté

5. pour remplir des tâches idéologiques ou contre-idéologiques

6. pour obéir aux injonctions d’une typologie secrète, d’une distribution combattante, d’un évaluation permanente

7. pour satisfaire des amis, irriter des ennemis

8. pour continuer à fissurer le système symbolique de la société

9. pour produire des sens nouveaux, c'est-à-dire des forces nouvelles, s’emparer des choses d’une façon nouvelle, ébranler et changer la subjugation des choses

10. enfin, comme il résulte de la multiplicité et de la contradiction de ces raisons, pour déjouer l’idée, l’idole, le fétiche de la détermination unique, de la Cause (causalité et bonne cause) t accréditer ainsi la valeur supérieure d’une activité pluraliste, sans causalité, finalité ni généralité, comme l’est le texte lui-même.