samedi 28 décembre 2013

Le nom de mon sentiment

 Je suis très paisible, aucune fièvre. Je passe mes journées dans la béatitude, pour la première fois de ma vie non les sortilèges mais la connaissance... Vous êtes attesté dans l'univers en dehors de moi.

Et soudain, te voilà que je n'ai pas créée, tutoyée de nature par chaque frémissement, exagérément, c'est à dire De toute ta taille.

Que tu es terriblement mienne et n'as pas été créé par moi, voilà le nom de mon sentiment.

Rainer Maria Rilke

samedi 21 décembre 2013

L'entre-deux

Quand je mets les bras autour du cou d'un ami, c'est naturel ; quand je le raconte, ça ne l'est plus (même pour moi!). Et quand j'en fait un poème, ça redevient naturel. Donc, l'acte et le poème me donne raison. L'entre-deux me condamne. C'est l'entre-deux qui est mensonge, pas moi. Quand je rapporte la vérité, (les bras autour du cou) c'est un mensonge. Quand je la tais, c'est la vérité.

Un droit intime au secret. Cela ne regarde personne même pas le cou, autour duquel j'ai noué mes bras. C'est mon affaire. Et songe avec cela que je suis une femme, mariée, des enfants, etc.

Marina Tsvetaïeva - Lettre à Rainer MR

vendredi 20 décembre 2013

"L'amour, c'est que tu sois pour moi le couteau avec lequel je fouille en moi.»
Franz Kafka

mercredi 4 décembre 2013

Cette cloison - la vie

"Sa condamnation, secousse profonde, avait en quelques sorte rompu ça et là, autour de lui, cette cloison qui nous sépare du mystère des choses et que l'on appelle la vie."

Victor Hugo - Les misérables

Ecrire des lettres- Kafka

Écrire des lettres, c'est se mettre nu devant des fantômes, ils attendent ce moment avidement.

(bizarre cette affaire de lettre)(bon)

dimanche 1 décembre 2013

le plus terrible des rivaux

Ils ne m'étaient pas inconnus ces êtres qui sont si bien convaincus de leur insuffisance, qu'ils sont étonnés, ou meurtris, qu'on leur témoigne un sentiment qu'ils savent au fond d'eux-mêmes ne pas mériter. Ce sentiment, disons l'amour, atteint leur âme de plein fouet, comme une agression, et ils en veulent à celui qui les aime, de s'abuser. Ils ont d'abord envie de se retourner pour voir si cet amour ne s'adresse pas à un autre. Mais non, ils sont seuls. Le doute n'est donc pas permis et tout s'éclaire alors : cet amour s'adressait à un autre en eux. Oui, c'est bien cela, ce sentiment était pour un autre si intime qu'ils ont souvent voulu rejoindre et auquel ils n'ont jamais pu ressembler. Dans ces moments-là, on ne saurait pardonner à celui qui vous offre ce qu'il a de meilleur. N'est-il pas en train de vous tromper avec le plus terrible des rivaux ? Avec celui qu'on connait le mieux, et dont on sait depuis longtemps à quel point on lui est inférieur ? 

JP Enthoven - Aurore

se parler

Pour qu'un homme et une femme puisse se parler vraiment, il faut qu'ils soient montés sur un lit, s'être vus nus, être montés l'un sur l'autre.

Pascal Quignard

le sens: tricher avec le monde

"Je déteste qu'on attende du réel quelque chose comme un sens. C'est déjà une façon de tricher avec le monde. L'altérité me paraît bien plus proche de ce que la vie offre à vivre que cette question. Le sens, c'est toujours orienter l'action ou le temps dans une seule direction imposée par un groupe qui se considère comme le meilleur. Réclamer du sens, c'est faire surgir un monde trop sémantique, trop orienté, c'est faire de l'autre en tant qu'être différent un ennemi, c'est vouloir l'exterminer. Tandis que prôner un monde uniquement anxieux de l'autre, c'est une façon d'accueillir un réel bien plus dynamique. Les sociétés perdues et perplexes ne posent pas de problème. Apporter du sens, c'est se boucher la vue. Si l'on vit avec quelqu'un que l'on aime, si on lui dit: «C'est pour ça que je t'aime, voilà le sens de mon amour», il faut fuir car c'est déjà de la trahison. On n'est pas pour une raison avec quelqu'un, on est face à lui, face à son étrangeté. Le fait de se réunir sur ce qu'on ignore de l'autre est pour moi bien plus important que de prétendre connaître quelque chose de l'autre."
P. Quignard

s'ouvrir exagérément

Et cette façon que j'ai de m'ouvrir exagérément devant des inconnus n'est pas seulement comme je l'ai cru longtemps, une faiblesse des muscles constricteurs de l'âme, mais comme je n'ai en moi qu'une seule chose, il me faut, ou bien rester verrouillé (c'est à dire me taire ou bavarder) ou bien m'ouvrir et laisser voir mon unique habitant. Finalement cette disposition psychique défectueuse m'interdit tout échange – puisqu'elle ne peut aboutir qu'à des malentendus ou à de fausses ententes. (…) Le fait qu'en dépit de tous ces obstacles se sont développées avec quelques solitaires des relations silencieuses, des relations qui n'exigent peut-être même pas d'être entretenues parce qu'elle reposent sur la conscience définitive de quelques grande réalité communes, me donnent un peu plus d'assurance à l'endroit des humains

Rainer Maria Rilke