jeudi 17 juin 2010

Joie

Un homme à cheval galope dans les champs. Son cheval se cabre au moment où nous passons, et le cavalier se retourne pour nous regarder. De nouveau nous entrons bruyamment dans l'obscurité. Et je renverse la tête. Et je m'abandonne à la joie; je me dis qu'au sortir du tunnel, je vais entrer dans une chambre éclairée par des lampes et me laisser tomber dans un fauteil admirée de tous, avec ma robe qui ondoie à mes pieds. Mais attention! En relevant les yeux, je rencontre le regard d'une femme aigre qui soupconne ma joie. Mon corps impertinent se referme comme un parasol. Je l'ouvre ou le ferme à volonté. La vie commence. Mon trésor de vie est encore intact.

Virginia Woolf - Les vagues